Commissaire : Émilie Renard

Avec cette expo­si­tion, Anne Le Troter pour­suit son explo­ra­tion des méca­nis­mes du lan­gage et de la puis­sance de la parole à tra­vers le son, l’écriture et l’ins­tal­la­tion. Lauréate en 2021 de la bourse ADAGP autour du fonds Marc Vaux conservé à la Bibliothèque Kandinsky, elle en aborde les mil­liers de cli­chés comme s’il s’agis­sait d’une vaste archive sonore peu­plée de voix d’artis­tes. De 1920 à 1970, Marc Vaux docu­mente la vie artis­ti­que pari­sienne, pho­to­gra­phiant artis­tes, œuvres, expo­si­tions, salons, ate­liers, modè­les, gale­ries, cafés, bals, fêtes et aussi, docu­ments admi­nis­tra­tifs. Parmi les artis­tes repré­sen­té·es, Anne Le Troter s’inté­resse aux artis­tes soi­gnant·es comme aux artis­tes soi­gné·es, son­dant leurs paro­les dans les inters­ti­ces d’images muet­tes.

Inspirée à la fois par « le foyer d’entraide pour artis­tes et intel­lec­tuels » que Marc Vaux ouvre à Montparnasse en 1946 et par les radios médico-socia­les qui émergent à Paris dans les années 1980 et qui sont ani­mées par des patient·es et des méde­cins d’ins­ti­tu­tions psy­chia­tri­ques, Anne Le Troter crée une pièce de théâ­tre sonore où des artis­tes par­lent de leur santé, de leurs mala­dies pro­fes­sion­nel­les, des ris­ques du métier... Artistes, soi­gnant·es ou encore art thé­ra­peu­tes vivant·es prê­tent leur voix et com­po­sent, à tra­vers elles, un récit trans­his­to­ri­que de leurs mobi­li­sa­tions socia­les. Désireux·ses de réveiller les paro­les de ces artis­tes tenu·es pour inau­di­bles, Les Volontaires ques­tion­nent les repré­sen­ta­tions de leur corps et les condi­tions maté­riel­les de leur vie d’artiste ou de modèle. Ensemble, elles et ils élaborent au fil de leurs conver­sa­tions, l’auto­bio­gra­phie médi­cale d’un corps col­lec­tif hybride.

À Bétonsalon, ces dis­cours s’ins­cri­vent maté­riel­le­ment dans le sol du centre d’art dont les failles et aspé­ri­tés, com­blées d’étain, devien­nent des conduc­teurs électriques répa­ra­teurs, tandis que ses vitri­nes vibrent au son de flui­des cor­po­rels. Le centre d’art devient ainsi une large enve­loppe char­nelle bruyante pour ce récit poly­pho­ni­que. Les dif­fé­rents cha­pi­tres de cette pièce sonore navi­guent entre les bribes d’une his­toire de l’art et des poli­ti­ques fran­çai­ses de santé pour les artis­tes ; ils obser­vent à la fois leur rat­ta­che­ment au régime géné­ral de la sécu­rité sociale et leur insé­cu­rité sociale (pas de congés mater­nité, ni de mala­die ou acci­dents pro­fes­sion­nels...) ; ils sui­vent les pos­tu­res des tra­vailleur·­ses de l’art, par­cou­rent l’avè­ne­ment du carnet de santé, écoutent les couacs de l’assu­rance vieillesse et se lais­sent sur­tout guider par l’entraide, les pig­ments et les médi­ca­ments.

L’expo­si­tion reçoit le sou­tien de l’ADAGP – Société fran­çaise des auteurs des arts visuels.
La Bibliothèque Kandinsky, MNAM-CCI, Centre-Pompidou est par­te­naire de la bourse ADAGP – Bétonsalon.