8 exemplaires

Quelle est la dose d’espoir nécessaire à un photographe à la recherche de son sujet? Quelle est la place de la chance dans la rencontre avec celui-ci? Que se passe-t-il quand on met l’humain au centre d’une réflexion photographique? Autant de questions qui habitent les photographes qui travaillent avec le réel. ​

La série « Fern » — titre éponyme — semble être la traduction visuelle d’une hospitalité concrète. Derrida explique qu’à l'égard d'un visiteur, il a deux attitudes possibles : l'invitation — en fonction des règles en usage chez lui — et la visitation quand il laisse sa maison ouverte. Avec « Fern », nous nous situons plutôt dans le second cas: la proposition est celle d’une perméabilité entre le sujet, son environnement et le photographe. Les images sont les traces d’une double confession : celle de Fern au photographe et celle du photographe à son sujet. Elles fonctionnent comme une succession de confidences et composent avec la générosité du contact tout en respectant la part d’opacité nécessaire à la liberté de l’un et de l’autre. Dans cette maison du sud de la France, datant de la fin du XIXe siècle, Yogananthan fréquente l’imprévisible et rassemble ses intuitions au service de la mémoire d’un lieu et des souvenirs d’une femme. Le topographique est tissé au chronologique : le décor révèle les strates d’une vie, les objets accompagnent le temps. ​

À ce sujet, en 1984, dans une conférence intitulée « L’art d’habiter », Ivan Illich déclare: « Habiter, c’était demeurer dans ses propres traces, laisser la vie quotidienne écrire les réseaux et les articulations de sa biographie dans le paysage. » Rythmé par la lumière du soleil, ce huis-clos propose un exercice d’état poétique de l’observation, un face à face mélancolique aux qualités picturales.​

Taous Dahmani ​