Les filets d'hyphes - Diana Policarpo
Centre Régional d'Art Contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée

Les filets d’hyphes (Nets of Hyphae) entrelacent plusieurs récits et représentations liés à l’usage, en bordure de la médecine moderne, des plantes, champignons et bactéries par les femmes et minorités, comme une forme de savoir et de technologie alternative donnant accès à son propre corps.
Avec un ensemble de vidéos, pièces sonores et sérigraphies sur tissu, Diana Policarpo explore ainsi l’histoire du Claviceps purpurea, plus connu sous le nom d’ergot de seigle, champignon parasitant les graminées qui serait à l’origine au Moyen Âge de la maladie du feu de Saint Antoine - l’ingestion de ce champignon présent dans le seigle utilisé pour fabriquer le pain provoquant des sensations de brûlures et des hallucinations.
L’ergot de seigle était traditionnellement utilisé à faibles doses par les femmes pour faciliter les accouchements, les avortements ou pour traiter les saignements post-partum. Ce savoir curatif pratiqué par les guérisseuses et les sages-femmes a été largement effacé par les récits hégémoniques produits par la science moderne, laissant place notamment à la médecine obstétrique comme outil patriarcal de contrôle et de reproduction des corps. La découverte du LSD dans les années 1930 par Albert Hoffman et la synthèse de l’ergot en laboratoire ont terminé d’invisibiliser une toute autre épistémologie, l’histoire orale des procédés de transformation et d’alchimie de ce parasite mais aussi des relations inter-espèces que tentent de retrouver et de réactiver des activistes féministes dans des ateliers artisanaux dédiés au hacking de genre ou à l’autogynécologie.
L’exposition Les filets d’hyphes (Nets of Hyphae) de Diana Policarpo est une extension - un parasite (!) - au Crac Occitanie de Minuit (Meia-Noite), 4ème édition de la Biennale de Coimbra 2021-2022, dans le cadre de la saison France-Portugal. Pour construire cette biennale, les commissaires invitées Filipa Oliveira et Elfi Turpin se sont inspirées d’une colonie de chauves-souris vivant dans la bibliothèque Joanina à Coimbra. Cette bibliothèque du 18ème siècle - trésor de l’Université de Coimbra - a été édifiée comme un geste impérialiste visant à encapsuler le savoir européen et à soutenir le projet colonial. Cette forteresse du savoir (et du pouvoir) est également le refuge d’une petite colonie d’animaux nocturnes : des chauves-souris, qui ont trouvé dans les conditions écologiques de la bibliothèque l’endroit idéal pour leur habitat. Les insectes et les vers qui vivent dans les 55 000 livres nourrissent ces dernières, tandis que le silence nocturne leur offre une liberté illimitée. La nuit est donc le moment où elles sortent de leur cachette et commencent à travailler, chassant les insectes bibliophages et protégeant les ouvrages d’une lente destruction.
C’est dans cette écologie de pensée que se situe cette biennale et ses « parasites », à travers des expositions et des actions qui envisagent la nuit comme un territoire d’investigation, un espace de fluidité, un espace métaphysique, un lieu ouvert à d’autres possibilités de vision, de connaissance, d’interaction, ouvert à d’autres corps.
Elfi Turpin et Filipa Oliveira
Vernissage le vendredi 1er juillet 2022 - 18h30
Centre Régional d'Art Contemporain Occitanie / Pyrénnées-Méditerrané
26 Quai Aspirant Herber
34200 Sète